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[[MAJ : 27/01/2010]]

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 Quand faire faire des dessins, c’est faire de l’art 

 Harold Cohen est peintre depuis 1948. En 1968, il décide que les pinceaux, c’est bien – les robots, c’est mieux. Il troque alors sa blouse tachée contre un ordinateur et se lance dans la programmation. Son but ? Réaliser un robot qui dessine[1]. Cela l’amène à se poser force questions et à adopter une attitude humble, questionnant les principes anthropologiques et fondamentaux du dessin, de l’image, des couleurs, de l’art et de la créativité.

Harold Cohen est aussi chercheur au CRCA de l’université de San Diégo (Californie), et a eu à cœur de nous tenir informés de l’avancée de son œuvre par le biais d’une dizaine d’articles depuis 35 ans[2].

Ce projet d’une vie a connu, si l’on suit McCorduck[3], quatre phases : entre 1973 et 1978, les balbutiements ; entre 1979 et 1984, l’apport d’un sens primitif de la perspective ; entre 1985 et 1988, la figuration ; depuis 1989, l’ajout d’effets 3D et le travail sur les visages humains.

Nous allons suivre les premiers pas de son entreprise[4].

Portrait d’Aaron en projet technologique : Quels sont les principes a priori d’Aaron ?

Ce projet à la lisière de l’art et de l’informatique est baptisé « Aaron ». Le but pour Cohen, est de réaliser une machine capable de faire des dessins.

La première série d’interrogations est d’ordre théorique et abstrait. Cohen partira des présupposés suivants :

*  la base du dessin est le trait et le trait est ce qui relie deux points entre eux (pas forcément en ligne droite).

*  Les schèmes qui sous-tendent toute appréhension d’un dessin sont au nombre de trois :

  • Capacité de distinguer une figure de l’arrière plan
  • Capacité de distinguer des formes ouvertes des fermées
  • Capacité de distinguer l’intérieur de l’extérieur

* Quelques para-motifs sont souvent employés :

  • L’ombrage
  • La répétition d’éléments
  • La division

Partant de ces grandes lignes, l’artiste commence à créer un programme informatique qui devra faire mouvoir une machine capable de dessiner selon cette logique. Les premiers résultats sont suffisamment encourageants pour qu’il y travaille encore…

Le cerveau d’Aaron intègre donc cette logique structurelle que Cohen reconnaît lui-même comme n’étant pas forcément naturelle. Ce premier niveau conceptuel, appelé protocole, ou épi-forme, va s’imposer comme étant le monde, l’umwelt d’Aaron[5]. Dans ce cadre, ce dernier devra réaliser des actions : prendre position sur la feuille, poser le crayon, se mouvoir dans telle ou telle direction, lever le crayon, se repositionner – etc – enfin, estimer que son dessin est achevé. D’autres choix structurels sont faits :

* Aaron ne dispose d’aucune donnée, répertoire, catalogue d’objets lorsqu’il part en goguette.

* Aaron ne dispose d’aucune mémoire cumulative : quand son dessin sera fini, il n’en aura gardé aucune trace.

*  Aaron n’agit sur aucune donnée entrante (input).

*  Aaron garde en mémoire ce qu’il a fait pour décider de ce qu’il va faire.

Cela implique qu’Aaron :

–   N’a à sa disposition que des règles pré-établies pour décider de ce qu’il dessine

–  N’a aucune idée de ce qu’il va dessiner

–  N’a même aucune idée de ce à quoi le trait qu’il est en train de dessiner va ressembler

–  Connaît l’étendue de son espace alloué et la place qu’il y occupe

–  Reconstruit en permanence la vision qu’il se fait de ce qu’il dessine.

En aucun cas, il ne regarde ni ne voit les coups de crayon sur la toile. Il agit bien en peintre, mais un peintre aveugle, construisant dans sa tête ce qu’il croit poser sur la toile. Les gens capables de disputer une partie d’échecs en aveugles réalisent une performance approchante.

Le corps d’Aaron est variable. Il peut s’agir d’une table traçante, mobile sur la surface de la toile – et qui donc sait en permanence ou elle se trouve – ou bien, plus spectaculaire, un petit robot-voiture (baptisé ‘tortue’) qui se déplace à l’aide de sonar afin de calculer sa position sur la toile sur laquelle il roule.

Portrait d’Aaron en programme numérique : Quelles sont les règles de fonctionnement d’Aaron ?

Ceci posé, intéressons-nous à présent à l’algorithmique qu’il y a derrière.

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D’après nous, il y a en fait deux niveaux de représentation algorithmique : un schéma conceptuel et une explicitation des règles.

Algorithme conceptuel

Nous avons retravailler l’algorithme proposé par le créateur et tenter de l’expliquer.[6]

Au commencement la page est blanche.

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Le programme « ŒUVRE » commence. Toutes ces variables initiales sont à zéro (il sait donc que la page est blanche). Il faut poser le premier coup de crayon.

Le programme « TOPOGRAPHIE » assigne une zone à couvrir : le robot s’y déplace, crayon levé.

Le programme « FIGURATION » va entamer le dessin d’un motif.

Qu’est-ce qu’un motif ? Le motif est fait de traits.

Un programme « TRAIT » lance la construction d’un trait de dessin.

Qu’est-ce qu’un trait de dessin ? C’est un point initial A et un point final B[7].

Combien y a t-il de façon de joindre un point A à un point B ? Une infinité d’étapes curvilignes, de secteurs à parcourir.

Le programme « SECTEUR » créé à un point initial An un point final An+1

Comment fait on pour parcourir ce chemin/secteur ? Il faut avancer vers lui pas à pas, d’une traite, en ligne droite.

Le programme « DROITE » fait avancer le robot, mine baissée d’un mouvement unitaire, atomique pourrait-on dire[8].

Le robot est donc le touriste en goguette. Pas celui, pressé, qui a optimisé son parcours pour ne rien rater des merveilles labellisées de telle ou telle région. Non, le dilettante des origines (Stendhal errant en Italie), qui arrive à Rome, sait qu’il repartira de Naples – d’ici quelques temps – et ne s’est fixé aucune obligation dans l’entre-deux.

Voyez le randonneur avec une semaine de vacances pour s’adonner à son péché mignon. Son périple (TRAIT) fixé (A->B), il se choisit un premier point de chute A1. Pour s’y rendre, il s’engage dans une première pérégrination (SECTEUR reliant A à A1). Et il s’y rend à pied, ne s’interdisant nulle incartade et mouvement de traverse (DROITE) pour découvrir telle beauté naturelle sur sa route. Comme il est un peu éméché, ses pas mêmes peuvent être variables (cf : note précédente sur ce qu’est une ‘droite’ pour Aaron).

Comme il est chevronné, il regarde où il met les pieds pour ne pas tomber dans un trou[9]. Et ce, avant chaque pas. S’il n’y a pas de danger, alors son corps fait un pas en avant. S’il arrive devant un gouffre, alors il changera d’idée, se disant qu’il ferait mieux d’essayer tel autre SECTEUR pour terminer son périple ; ou bien carrément de changer de sentier montagnard (TRAIT), tout en restant dans les Pyrénées parce que c’est un coin charmant ; ou bien encore, s’il se rend compte qu’il a déjà parcouru tous les sentiers des Pyrénées, de délaisser cette chaîne pour celle plus intéressante des Alpes. Son Guide du Routard des Pyrénées de poche fait office du programme FIGURATION, étant entendu qu’il ne l’a pas lu avant de partir, mais s’y réfère à chaque trouble ou fin d’étape pour voir où il pourrait se rendre en suivant. Le site web du Guide du Routard, auquel il pourra se référer pour définitivement changer de région et se faire envoyer en express un guide d’une autre région du monde, est le lieu où s’implémente le programme TOPOGRAPHIE.

Si son terrain de jeu était l’Europe continentale; au bout d’un certain temps, il pourrait estimer avoir suffisamment parcouru tous ces paysages, avoir bien mérité de retourner travailler, et donc en quelque sorte avoir parachever son « ŒUVRE ».

Comment a t il fait pour se souvenir de tout? Il a tout noté dans un journal de bord précisant tous les pas qu’il a fait et les lieux où il s’est rendu. Perecien, une fois l’œuvre achevée, il jette son calepin à la poubelle, et repartira vierge de toute connaissance, une prochaine fois.

Dans notre cas pictural, bien sûr, rien n’existe. Pas plus les chaînes de montagne que les sentiers qui y serpentent. C’est la fonction du programme concernée que de créer ex-nihilo, plus ou moins aléatoirement, et les unes après les autres, sans plan initial, ces entités.

Algorithmes fonctionnels

Aaron est à la fois :

+  Intégré dans une logique (protocole)

+  Collé aux règles qu’il se doit d’employer (fonctions d’un programme)

+ Libre d’agir comme il l’entend

+ Dédié à réaliser des œuvres qui ne soient pas des gribouillis (scribble)

Il faut donc lui implémenter des règles de transition les plus riches et sensées possibles. Un type exemplaire sera plus éclairant. Cohen doit programmer quelque chose comme[10] :

Si :       {c’est le premier ‘trait’

ET : que le motif précédent était une forme ‘ouverte’

ET : que ‘n’ motifs ont déjà été dessinés

ET : qu’il reste ‘q’ emplacements sur la toile}

Alors   {ce motif sera ‘fermé’

ET : la valeur ‘taille’ vaut ‘random(1)’

ET : la valeur ’nombre_de_répétitions’ vaut ‘random(1)’

ET :     dans a% des cas, faire A

dans b% des cas, faire B

dans c% des cas, faire C}

Sinon   {‘diviser’ le motif selon les spécifications (x,y,z,t)

OU : ‘ombrer’ le motif selon les spécifications (x,y,z,t)

OU : ‘ajouter’ un motif ouvert attenant selon les spécifications (x,y,z,t)}

Les pourcentages des actions postérieures dépendant eux-mêmes des actions antérieures…

Cet exemple, très simple, permet d’appréhender comment Aaron peut être à la fois, libre et imprévisible (aléatoire, pourcentage), endigué par des règles (fonctions et transitions) et créateur de formes honnêtes[11] (choix des valeurs des paramètres) – dans une école artistique reconnaissable (protocole : ie structure même du programme, enchaînement des actions).

La construction d’un monde

Aaron ne sait pas à l’avance ce qu’il va faire, mais il agit instantanément selon ce qu’il a déjà fait. Plus exactement, selon ce qu’il a déjà construit. C’est-à-dire qu’il ne garde pas en mémoire l’ensemble des points qui ont été maculés par son stylo – mais quel motif a ainsi été constitué car c’est le motif qui fait le dessin et donc l’œuvre. Pour compliquer le tout, ces motifs sont changeants. Telle ligne courbe prévue pour être ouverte, peut très bien s’intégrer dans un plus grand motif, dessin, et donc dessein.

Aaron est donc en permanence en train de construire, déconstruire et reconstruire son Monde, tandis qu’il agit sur le nôtre (duquel il n’a pas une connaissance directe). Pour ce faire, il voit la toile comme une matrice de pixels et associe une valeur à chaque pixel/cellule. Par exemple ‘1’ pour noir – ‘0’ pour blanc’. Vue la complexité, cette approche doit s’affiner, c’est-à-dire j’en ai peur : se complexifier.

En fait chaque cellule est le lieu d’un ‘événement’. Un événement est représenté sous forme numérique par une série de bits. Il doit prendre en compte : si la cellule est crayonnée ou pas, si elle est utilisable ou pas (une cellule vierge enfermée dans un rond est une cellule ‘utilisée’ par le motif même qui la comprend), si elle est dans une forme fermée ou pas, si elle fait frontière, si elle est reliée à une autre cellule, si elle appartient à différents motifs, enfin à quel motif elle appartient. Une cellule pointe donc vers un événement, ie une suite de bits (codés en binaire donc) quelque part dans le disque dur qui pourrait ressembler à :

arron1pk

OU :

arron2pk

Le lecteur attentif aura remarqué, et c’est là que nous voulions en venir, à quel point cette approche par pointeur est une approche constitutif du langage de programmation C…

Cette série d’événements constitue la représentation interne qu’Aaron se fait du monde qui l’entoure : son innenwelt. Il est particulièrement intéressant de noter que cela se fait sans interaction aucune avec l’extérieur, et que se bâtit ainsi un innenwelt en parfaite indépendance de tout umwelt (chez Aaron, ce denier se cantonne aux limites spatiales dans lesquelles il peut dessiner)

Portrait d’Aaron en pseudo-artiste : quels sont les ressorts de la créativité d’Aaron ?

Harold Cohen évoque plusieurs aspects problématiques qui sont apparus avec son travail. L’impact de la construction cognitive dans l’appréhension visuelle d’une image ; la construction de la connaissance ; la représentation ; le « être-illustratif-de » (standing-for-ness) d’un motif ; etc. Il nous semble que la question essentielle reste : Aaron est-il un artiste ? Et pour tenter de l’éclairer, nous allons progressivement allumer les projecteurs qui tiennent, pour une grande part, cette question sous leur faisceau…

La personnalité stylistique d’Aaron.

En quoi Aaron a-t-il un style ?

Très vite, Cohen s’aperçoit d’un paradoxe : il a tenté de mettre en place une machine à dessiner neutre ; et :

*  Il y a un véritable air de famille de dessins générés

* On lui renvoie parfois même qu’on reconnaît, dans les dessins d’Aaron, la main (le style pictural) de son créateur[12]

Les productions d’Aaron sont reconnaissables. A quoi cela tient-il ?

D’abord, sur les présupposés intellectuels de base de Cohen, qui s’arc-boutent sur ces 3 axes : ouvert/fermé ; intérieur/extérieur ; figure/fonds. Donc dans le protocole. Cohen juge ses principes primitifs comme « intuitifs et arbitraires »[13].

Ensuite sur les règles de construction du dessin : notamment le fait de ne pas traverser un trait par un autre trait.

Troisièmement sur ses capacités picturales, ce qu’il sait faire. Donc sur ses fonctions (la fonction « tirer un trait perpendiculaire », « ombrer » ; etc).

Enfin, sur les pourcentages et les valeurs des paramètres.

Tout cela mis bout à bout fait qu’Aaron dessine avec un style bien particulier, très influencé par celui de son créateur. Un robot pourrait il générer des Matthieu, des Twombly, ou des Mondrian ? Ca ne semble pas impossible en changeant les paramètres du programme. Par exemple : « nombre de traits entre 1 et 3 ; autorisation de traverser une ligne déjà dessinée ; surface à couvrir entre 15 et 50% ; pourcentage de rupture de pente au bout de telle distance : 90% » devrait donner un Twombly.

Pour un Mondrian, le programme est simplement inadapté. Simplement parce que Mondrian ne raisonne pas avec ces notions de figures et d’intérieurs. Aaron ne peut a priori pas produire de tableau « à la Mondrian » ; il faudrait lui créer un petit frère : Aaron-Mondrian.

Mais toute une dimension reste encore ignorer : le « faire », autrement dit « le geste ».

Aaron fait montre d’un geste pictural. Neutre. Quand le stylo est en position abaissée, le bras moteur ou le robot se place pour former le trait jusqu’à sa conclusion. Dans le cas de la tortue, Cohen a peaufiné en autorisant une vitesse de déplacement variable : le bras dessinateur va moins vite quand il est au niveau de zones de transition ou terminales.

Il y a, à notre sens, deux paramètres non utilisés chez Aaron qui font le geste du dessinateur : 1/ vitesse de déplacement de son bras armé ; 2/ la position du stylo (cette dernière se résumant à « position haute » ou « position basse » ici). Bien sûr, l’outil de dessin choisi (stylo, stylet, plume, etc) autoriserait encore une variété des styles de dessin.

La personnalité artistique d’Aaron est innée. Elle a conditionné la structure du programme.

Le dessein (purpose)

Comment s’élabore le dessein d’Aaron ?

Quand un homme veut coucher une vison sur une toile, il a a priori deux méthodes à disposition : il peint ce qu’il voit (devant lui ou dans sa tête) ou bien il peint ce qu’il voit qu’il est en train de peindre. Il peint ce qu’il a dans la tête dans un projet pré-concu ; il gribouille sur un bout de papier, distingue dans ses premiers éléments l’amorce de quelque chose auquel il va tenter de donner corps par la suite. La plupart du temps, à un moment de son travail, il va prendre du recul , regarder le résultat et effacer tel contour ou en déduire qu’il manque à tel ou tel endroit un élément, un trait,une couleur – et alors poursuivre.

Aaron ne raisonne pas comme cela. A plus d’un titre.

Aaron ne commence jamais avec une idée pré-concue de ce qu’il veut dessiner ; Aaron n’a jamais, à un quelconque moment de son travail, une idée sur ce qu’il veut faire de son tableau ; Aaron ne revient jamais sur ce qu’il a fait (effaçage).

Il est finalement à la lisière des deux approches humaines. Il n’a pas de schéma d’ensemble préconçu pas plus qu’il ne se laisse inspirer par ses premiers balbutiements. Il a une approche divisionniste conditionnelle. Il choisit quel emplacement il va travailler, il choisit quel type de forme il va y placer, il choisit quels sont les points de départ et d’arrivée de son premier trait pour construire la forme, il construit sa forme trait par trait ; passe à une autre forme du même emplacement qui peut l’amener soit à modifier la surface initialement allouée ou modifier un motif déjà mis en place.

Son propos est comme dilué à chaque niveau hiérarchique et à chaque transition de fonctions. La machine a un but, mais connaissable a posteriori. Elle n’a pas vraiment de dessein holistique mais des mini-actions finalisées à chaque étape de son travail. On peut expliquer ce qu’elle fait et ce qu’elle a fait ; mais non prévoir ce qu’elle va faire. Elle est surprenante sans être médusante. Elle agit de façon compréhensible et responsable sans être prédictible[14].

Cette qualité est due à trois modalités dans ses prises de décision :

1/ La sériation de son labeur : « je fais les formes une par une sans me demander ce que je ferai après »

2/ La spécialisation de ces opérateurs : « je me contente de donner telle information. Pour connaître la suite, voyez ma collègue » (et plus exactement : « voyez ma sbire »)

3/ La détermination de ses opérations (entre aléatoire et assignement) : « j’agis comme cela, plus ou moins »

Le dessein d’Aaron est terré dans sa structure. Il émerge. Inconsciemment ?

Le libre arbitre

Où se joue le libre-arbitre d’Aaron ?

On peut définir le libre arbitre d’Aaron de la manière suivante :

C’est la capacité de chaque opération d’être menée selon un paramétrage préprogrammée dépendant des conditions initiales et antérieures.

Aaron n’est pas libre de faire n’importe quoi :

Il est cantonné à une aire (l’espace de la feuille), comme tout artiste. Il ne sait faire que certaines opérations (sa « personnalité stylistique » du à son protocole et à la structure de son programme. Si personne ne lui a appris à « colorier en noir », il ne pourra le faire). Son libre arbitre est dans l’actualisation de ses règles, dans la mise en place concrète de ces éléments structurels. Aaron a virtuellement une infinité de dessin accouchables (dans la limite des règles et paramètres qui font son programme) ; et son ‘libre arbitre’ s’exprime lorsqu’il n’en actualise, n’en dessine que l’un d’entre eux.

Comme son dessein, son libre arbitre est éparpillé à chacune de ces opérations. On parlera plus volontiers du libre arbitre d’une opération en spécifiant ce qui nous semble les 3 grandes classes d’opérations : les transitions, les décisions et les fonctions. Les transitions posent les conditions pour passer à l’étape suivante. Elles ont pour objet l’état actuel du dessin et les éléments précédents déjà mis en place. Les décisions sont le moment où les paramètres finaux de l’opération en cours sont fixés dans un cadre préprogrammé. C’est à ce moment-là que le programme sait ce qu’il va faire dans son action en cours – sans savoir comment il va le faire – et se fixe des paramètres structurels à respecter pour y arriver. Les fonctions sont les programmes avec une mission très claire. Ce sont les plus petits éléments de programmation : faire un trait, ombrer, etc. Comme on l’a vu avec l’algorithme conceptuel – elles possèdent elles-mêmes une dose de latitude et d’expression dans les cadres pré-fixés.

En effet, si on repend notre exemple d’algorithme fonctionnel, on voit que structurellement, cela revient à quelque chose de la forme : SI {Les conditions de la Transition sont réunies} ALORS {Décider pour la prochaine étape de telles valeurs aléa-assignées ET lancer l’action de la Fonction}.

Nous reprendrons donc à notre compte l’analyse d’Abraham Moles : «  la liberté est l’excès du nombre de paramètres (éléments) sur le nombre de relations (règles) qui servent à détermine rle système.[15] »

Le libre arbitre d’Aaron est réparti et partagé dans les éléments fonctionnels de la structure. Ce libre arbitre s’exprimant dans un cadre borné, qui fait que les mouvements d’Aaron seront à la fois imprévus et pronosticables.

Le savoir-faire

Peut-on créer sans mémoire ?

Le rapport d’Aaron à sa mémoire est extrêmement fin. Il ne se souvient pas de ces actes, il stocke les événements qui ont lieu à chaque point de la surface qu’il créée. Il ressemble à ces amnésiques qui, soucieux de mener une vie pas trop chaotique, collent des post-it sur tous les éléments de leur environnement pour savoir comment se comporter quand ils y font face. Aaron transforme une mémoire expérientielle en une mémoire topologique. Il ne sait plus ce qu’il a fait, mais il a une connaissance parfaite de son résultat. Il sait retrouver des états sans connaître leurs histoires. On pourrait dire aussi qu’il redécouvre a tout moment l’état d’un territoire et qu’il y réagit à partir des règles qu’il s’est imposé. Dès lors, apparaissent trois formes de mémoire :

  • Une mémoire réglementaire : qui est le programme codé, qui donne à Aaron ses règles à suivre. Elles constituent la forme même de son mode-d’être et d’actions. Elles sont les principes a priori de son action.
  • Une mémoire topologique, qui est stocké dans des limbes, et ne resurgit que lorsque le lieu exact se rencontre. Elle dessine l’innenwelt d’Aaron tout en lui maintenant caché sa figure générale, et ne lui laissant apparaître que ce dont il a besoin à chaque instant. Certes la carte existe, mais l’œil d’Aaron ne peut prendre la hauteur nécessaire pour l’apercevoir jamais. Il n’est pas amnésique mais sa myopie aigue lui rend sa mémoire presque entièrement enfouie
  • Une mémoire bibliothéconomique, totalement absente chez Aaron, c’est-à-dire une mémoire-dictionnaire, offrant une ressource où puiser. Non seulement Aaron est autonome (il construit son innenwelt sans faire appel à la vision d’un quelconque umwelt), mais il est vierge de toute connaissance construite. Delacroix voyait la nature comme un dictionnaire de formes pour l’artiste – Aaron n’en a cure. Ce qui implique, en corollaire, qu’il n’apprend pas non plus à partir de son expérience.

Aaron expérimente ainsi le degré zéro de la création : celle qui advient à l’individu vierge de tout, sauf d’être un individu. Le fait d’être individu implique ce système de règles intériorisées, de principes d’action – mais là s’arrête la composante mémorielle. Ce n’est pas même de la mémoire, c’est de l’inné – du génétique pourrait-on dire. Sa myopie et son amnésie assurent, par la suite, sa virginité pérenne.

La mémoire d’Aaron est limitée à des schèmes innés et a priori de création.

Si la création se construit principalement sur l’imagination, et si l’imagination, c’est de la mémoire, alors comment une machine qui oublie à chaque instant, les formes qu’elle vient de créer

Les langages

L’individu

Qu’est-ce qu’Aaron ?

A en croire Cohen, Aaron, c’est le programme : « Aaron est un programme basé sur la connaissance, dans lequel la connaissance relative à la fabrication d’images est représentée sous la forme de règles »[16]. Cependant il est difficile de lui nier toute matérialité. Ainsi, son corps a t-il fait connaître ses prérogatives en tombant en panne en 1977 lors de la Dokumenta de Kassel : Aaron était alors une machine unique que personne ne pouvait réparer et qui dès lors était à assurer comme l’oeuvre même[17]. En 1979, Cohen abandonne le corps de tortue pour des machines plus standards, semblant signifier que si le corps qui exécute le programme est important, il n’est pas figé. En 1988, trois performances simultanées avec 3 robots différents ont leu le même jour dans différentes galeries américaines. Chaque performance est unique et autonome, les résultats sont chaque fois différents.

La place du corps d’Aaron varie donc avec les époques. Si Aaron n’est qu’un programme, alors pourquoi assurer la machine exécutante ? S’il n’est pas qu’un programme, comment concevoir qu’il se puisse ainsi disséminer dans différents corps ? En 1988, y’avait-il trois Aaron différents ? Y’avait-il alors trois œuvres de Cohen différentes ? Si Aaron n’a pas de corps comment expliquer qu’en 1979, en abandonnant le véhicule de la tortue, les lignes de code ont dû être modifiés pour s’adapter à la nouvelle machine exécutante ?

De même que le code est dépendant du langage de programmation[18], le code dans le cas d’un appareil technologique comme ici, est dépendant de son véhicule. De même que la vieille dichotomie corps/âme ne résout aucune tension existentielle sur ce qu’est un individu, la séparation programme/véhicule échoue quand elle se présente. L’un n’est rien sans l’autre. Les trois Aarons de 1988 ne sont que trois versions d’une même œuvre, comme les enlèvements sur l’île de Cythère (Watteau) de Paris ou de New York sont deux versions d’une même œuvre. En art technologique, nous pouvons proposer qu’une version n’a pas qu’une exemplaire identique mais qu’elle est un exemplaire unique, adapté à son environnement. Ainsi, les trois machines-Aaron sont des copies si elles sont indifférentes (c’est-à-dire si celles de San Francisco peut prendre la place de celle de Miami) – elles seront des versions si elles ne le sont pas. C’est le paramétrage d’Aaron qui le permet. De même qu’une installation in situ est de « dimensions variables », s’adapte à son lieu d’exposition ; la machine-Aaron doit pouvoir peindre différentes tailles de toile et s’adapter à son lieu d’accueil.

Aaron, c’est l’appareil-technologique qui fait œuvre quand il réalise sa raison d’être.

Le produit

Où est l’oeuvre d’art ?

Ou plutôt, si l’oeuvre de Cohen est dans la performance d’Aaron, que sont les résultats de sa performance ? Les dessins d’Aaron sont-ils des oeuvres d’art ? – Ne sont-ils pas exposés dans des musées ? Ne sont-ils pas le fruit d’un individu doué d’un style, d’un dessein, d’un libre arbitre et d’une créativité ? N’appartiennent-ils pas à un genre universellement reconnu d’art (peinture) ? N’ont-ils pas des qualités techniques et picturales évidentes ? Ne peut-on les recevoir selon le mode de l’appréciation esthétique ?

Pour toutes ces raisons, ils pourraient aisément prétendre à ce statut. Mais en tant qu’ils ne sont pas gratuits, ils pèchent à conquérir cet état. La destination des produits d’Aaron n’est pas la réalisation d’œuvre d’art. Aaron ne créé pas intentionnellement des œuvres d’art. les produits d’AARon sont là pour prouver qu’une machine d’art est capable de réaliser des créations picturales valides. Elles sont les preuves que le projet artistique de Cohen tient la route. Elles ne sont que la trace que l’œuvre a eu lieu. En ce sens, elles sont beaucoup plus proches des commentaires paratextuels d’une œuvre. Elles appartiennent à tout ce corpus critiques qui vient éclairer l’oeuvre.

On peut proposer deux raisons qui font qua Si Cohen fait une œuvre, Aaron fait une besogne :

1/ Le résultat d’Aaron n’a aucun « à-propos ». Nous renvoyons bien sûr par là à la thèse centrale développé par Danto de l’aboutness de l’art : une œuvre est toujours à-propos d’autre chose. Ce qu’Aaron pourrait montrer s’il pouvait être capable de faire un dessin « à propos de la guerre » ou « à propos du destin ».

2/ Le résultat d’Aaron n’est qu’un « produit dérivé ». Sa source (l’anfang heideggerien) est d’abord une œuvre. L’oeuvre d’une œuvre n’est qu’une œuvre au second degré, de « seconde zone ».. L’aura qui est associée à l’originelle ne diffuse pas sur ses émanations. La présence de l’une annihile toute possibilité de l’existence de l’autre. Tant que « l’oeuvre première » sera bel et bien Aaron, ses productions ne pourront faire œuvre.

Les toiles d’Aaron sont les traces (ou les indices) de l’oeuvre de Cohen.

Nous le disons bien : les produits d’Aaron ne sont pas des oeuvres non pas parce que un appareil technologique serait par défaut incapable de créer des œuvres

La créativité

Peut-on produire des oeuvres sans être créatif[19] ?

En 1999[20], suite au projet Aaron2, qui poursuit la route de la 3D et de la couleur, Cohen en viendra à s’interroger sur les capacités de créativité de sa création. Il proposera les quatre critères suivants. La créativité d’une entité implique :

  • L’émergence, c’est-à-dire la capacité qu’une figure ou qu’une forme sourde d’un dessin en l’absence de l’intention du dessinateur
  • La prise de conscience (awareness) – pas forcément consciente (conscious) – de ce qui a émergé
  • La volonté de (ré)agir en fonction de ce qui vient d’émerger, de s’y adapter
  • Une grande connaissance.

On le voit, Cohen mélange des critères objectifs sur les produits, et des critères objectifs et subjectifs sur le performeur. Le premier critère ne semble pas posé de problèmes et pourrait, à bien y regarder être considéré comme une propriété naturel de tout objet à partir du moment où il devient le phénomène d’un regardeur. L’émergence est bien plus une capacité que l’homme a à revêtir le monde qui l’entoure de significations nouvelles. Un nuage ou une grotte paléolithique est tout aussi émergent que n’importe quel dessin d’Aaron. Le quatrième critère est plus discutable dans sa concrétisation. Pour être créatif, un individu doit avoir une certaine dose de connaissance du monde, une certaine expérience, pourrions-nous dire. Le projet Aaron2, s’y affrontera en développant une mémoire de formes à Aaron qui pourra y puiser comme dans un dictionnaire, et ainsi dessiner de véritables motifs sur son vif. Mais du dictionnaire (connaissance) à l’emploi châtié des termes qu’il contient (expérience), il y a loin et il nous semble que ni Cohen ni Aaron ne précisent le protocole de cette transfiguration.

Les deux points centraux sont plus problématiques. Si de prime abord, il ne semble pas impossible de permettre à une machine de « réagir », à condition de lui avoir intégré son cadre de réaction, il appert en fait très vite que les limitations de cette entreprise valent échec. EN effet, Aaron ne peut réagir que dans le cadre des propriétés qu’il a été designé pour surveiller. Cette échelle de réceptivité définit ce qu’est Aaron ; et il est donc incapable de réagir par rapport à tous les éléments qui sortent de ce cadre. Bien sûr, on peut toujours éteindre son périmètre de surveiller, ajouter des points qui forment et augmenteraient son horizon, mais le critère de prise de conscience consiste justement à une prise de conscience d’un événement situé en dehors de son cadre  de référence habituel. Quant au troisième critère, Cohen avoue humblement qu’Aaron n’est pas véritablement capable de réagir, parce qu’il n’est intrinsèquement pas capable d’auto-modifications. Cela induirait, des mots de son concepteur, de méta-critères, non pas seulement des critères de jugement et d’auto-satisfaction, mais des règles d’une peinture comme langage et non seulement d’une peinture-comme-objet[21].

La conclusion est alors sans appel :

« Je ne considère comme étant créatif, et je ne le considérerai pas tant que je ne verrai pas le programme faire des choses qu’il n’aurait pas pu faire comme un résultat direct  de ce que j’y ai mis. (…) Ce n’est actuellement pas possible (…) D’un autre côté, je ne crois pas avoir jamais dit que ce n’est pas possible.

Mais le dossier ne fait que s’instruire. En effet, Aaron repose à nouveaux frais la question de la définition de la créativité :

« Je ne crois pas qu’Aaron constitue une preuve vivante du pouvoir des machines à penser, ou à être créatif, ou à être conscient (self-awareness) (…) Mais il constitue une preuve vivante du pouvoir des machines à faire certaines des choses que nous tenions (et continuons de tenir) pour nécessiter la pensée – ou la créativité ou la conscience – d’un être humain[22]. »

Conclusion

Aaron est-il un artiste ?

Aaron n’est pas émancipé. Nous émettons l’hypothèse qu’une œuvre ne peut pas faire une œuvre, et que par conséquent, Cohen se conduit en marâtre, castratrice, face à Aaron, l’œuvre d Cohen viennent écraser dans l’œuf l’œuvre d’Aaron. La capacité « faire une œuvre » n’est pas transitive, elle ne se transmet pas, elle n’a pas d’effet second. On ne peut être une œuvre et un artiste (à moins d’être sa propre œuvre). La performance créatrice de Cohen vient masquer celle d’Aaron, et l’invalider comme tel. Ce qui ne veut pas dire qu’un appareil technologique est voué à ne jamais créer, mais ce qui veut dire que pour devenir créateur, il devra s’émanciper de l’ombre terrible portée par son créateur. Pour le dire dans la phraséologie des Highlander : « Il ne peut en rester qu’un ! ». Ce qui implique que l’homme lui-même n’est créateur que lorsqu’il oublie sa condition de créature : chaque œuvre humaine est un déicide…

En 1982, Harold Cohen se lasse d’un assistant si limité. Il se lance dans un projet plus ambitieux, capable de mémoire, de dessiner des formes, d’ajouter de la couleur, d’être – quelque soit le sens et sa déclinaison informatique – doté de créativité. Aaron2 voyait le jour, et bouleversera quelque peu certains principes initiaux[23].
Bibliographie

LESTOCARD, José louis / « Territoires « élargis » : distributions et topologies complexes de la réalité virtuelle » – http://www.mcxapc.org/docs/ateliers/0707lestocart.pdf P13

COHEN, Harold / “Parallel to perception” – 1973

COHEN, Harold / “On purpose” – 1974

COHEN, Harold / “The material of symbols” – 1976

COHEN, Harold / “What is an image” – 1979

COHEN, Harold / “How to make a drawing” – 1982

COHEN, Harold / “Off the shelf” – 1986

COHEN, Harold / “how to draw three people in a botanical garden” – 1982

COHEN, Harold / “Brother giorgio’s kangaroo“ – 1990

COHEN, Harold / “The further exploits of aaron, painter” – 1994

COHEN, Harold / “Colouring without seeing: a problem in machine creativity” – 1999

MCCORDUCK, Pamela / Aaron’s code: meta-art, artificial intelligence, and the work of Harold Cohen – New-York: Freeman, 1991


[1] Bien sûr, d’autres s’y étaient déjà employés. Ainsi en 1955 : dans le cadre de l’exposition du Mouvement, Jean Tinguely présente une machine a dessiner cf FRECHURETp140 Mais pour la première fois, l’outil informatique est le biais choisi.

[2] A consulter notamment en ligne : http://crca.ucsd.edu/~hcohen/

[3] cf : Aaron’s code: meta-art, artificial intelligence, and the work of Harold Cohen / Pamela McCorduck

[4] Les traductions seront de notre fait.

[5] « Le protocole signifie l’instance procédurale d’une conscience formelle. C’est clairement une définition qui repose sur des modalités cognitives plutôt que perceptives, puisqu’il implique la conscience de structures relationnelles » in What is an image. P13.

[6] Cf : “What is an image?” / H. Cohen – 1979. P.6.

[7] Dans notre cas, pour être plus précis, ce sont deux points doublés de deux vecteurs directionnels (indiquant les angles de départ et d’arrivée) du trait.

[8] Un degré de raffinement supplémentaire est en fait présent puisque le plus petit mouvement du robot n’est pas une droite, mais une fonction plus ou moins aléatoire reliant les deux points.

[9] Le programme d’Aaron lui spécifie de ne pas couper un trait de dessin déjà existant

[10] selon l’exemple tiré de : “What is an image” / Harold Cohen – 1979. p14-15

[11] ie : au-delà du gribouillis

[12] cf : “What is an image?” P.5.

[13] cf : “The material of symbols” / H. Cohen – aout 1976 – p.9

[14] “Thus the program will know at the beginning of each development what the current intention is, but will not know what shape will result.”

[15] Cf: MOLES p121

[16] Cf: “What is an image” .p.1

[17] cf : Aaron’s code : meta-art, artificial intelligence, and the work of Harold Cohen / Pamela McCorduck p75

[18] Ainsi en 1988, Cohen, afin de passer à une nouvelle phase de son projet devra abandonne rle langage C pour ré-écrire Aaron en LISP.

[19] Ce paragraphe est quelque peu en dehors du périmètre de cette étude, puisqu’il développera des points mis en lumière par Cohen dans les phases suivantes de son travail sur Aaron : celles concernant l’ajout de figures et de couleurs aux dessins du robot – soit le projet « Aaron2 ».

[20] Dans son article : coluoring without seeing : a problem in machine creativity.

[21] Cf “You must understand that I’m not talking about rules for good composition; what I mean by higher level is criteria pertaining to painting-as-verb, not to painting-as-object. » p14

[22] cf : The further exploits of Aaron, painter. P.18. Nous soulignons.

[23] Par exemple, très vite : 1. un répertoire de formes va venir augmenter son potentiel créatif, puis 2. au cours de la troisième phase, « avant de commencer son ouvrage, Aaron décide de ce qu’il va dessiner : d’abord des rochers (« des » et pas « 6 »), puis des plantes, (…) Si la toile est trop chargée, il s’arête même s’il n’a pas fini de faire ce qu’il voulait ». Mccorduk p 98

 

 

 

 

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3 réflexions sur “Aaron / Harold Cohen

  1. C’est une bonne idée de traduire le peu d’information disponible sur le travail d’Harold Cohen avec AARON. Je m’intéresse actuellement à son travail en vue d’une éventuelle transposition de certains éléments à la composition musicale.

    L’aspect qui me semble le plus intéressant dans la programmation d’AARON est l’existence d’une forme de perception par le logiciel de son propre travail (la nécessaire boucle de réinjection) mais une perception qui ne ressemble en rien à celle d’un être humain.

    Une objection : vous présentez le passage des pinceaux à l’ordinateur de Cohen comme immédiate et préméditée alors qu’en réalité les choses se sont passées plus lentement (voir le livre de Pamela McCorduck (http://www.amazon.com/Aarons-Code-Meta-Art-Artificial-Intelligence/dp/0716721732/ref=cm_cr_pr_pb_t) ).

  2. Bonjour,

    Merci de vos encouragements.
    Quelques remarques :
    * le travail de McCorduck montre bien la lente genèse de ce robot; mais je crois qu’il y a bien eu, un moment donné, une révélation chez Cohen qui cherchait à faire un « autre art ». Cela dit, ce n’était pas exactement mon axe d’analyse.
    * je suis assez d’accord avec vous : ce qui est important, c’est que l’image dessinée est la projection d’une construction interne. Et l’image qui se construit dans la tête d’Aaron n’est pas l’image dessinée, mais celle qu’il croit avoir dessiné. L’analogie avec le jeu d’échecs à l’aveugle me parait lumineuse et assez riche.

    Bonne continuation.
    PK

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